Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AMICI AUGUSTI

AMICI AUGUSTI. Personnages admis, depuis le règne d'Auguste, à former l'entourage habituel du prince ; dans un sens plus large, ce mot comprenait même les convives AMI 2 AMI ordinaires de l'empereur. Suivant M. Friedlànder', les personnages politiques au temps de C. Gracchus et de Livius Drusus avaient déjà divisé leurs amis politiques en trois catégories: les confidents ou conseillers intimes, les principaux partisans et la foule des alliés plus ou moins dévoués Jules César eut aussi ses amis attitrés et rangés en diverses classes'. Mais sous Auguste et surtout sous Tibère et ses successeurs 4, les termes amici ou familiares principis désignèrent des personnes régulièrement choisies pour participer aux conseils et à la société ordinaire de l'empereur. Ce nom devint un titre régulier et permanent, supposant des prérogatives spéciales ; les amis formèrent une sorte de noblesse de cour, sans embrasser tous ceux qui s'y trouvaient admis à titre de sénateurs ou même de simples chevaliers. Le germe de l'institution fourni par les usages politiques de Home fut développé par les princes, d'après le type des cours orientales. En effet, la noblesse de cour se partageait chez les Perses 6 en parents, en alliés, amis et convives du roi. Alexandre avait transporté cette institution à la cour de Macédoine, d'où elle passa chez ses successeurs, notamment chez les Séleucides et les Ptolémées, où il y avait des 77pwrot tpb,ot, etc. °. C'est chez ces derniers probablement que les empereurs romains puisèrent les traits principaux du système des amici Augusti. Cette expression devint un titre permanent, indépendant de l'amitié personnelle du prince, et peut-être même un attribut attaché à certaines fonctions comme les grandes préfectures Le choix des amis était important et fécond en conséquences pour l'administration générale de l'empire 8; aussi avait-il lieu pour toute la durée du règne, tandis que l'admission au conseil du prince (honor consilü) était souvent temporaire °. En écrivant à ses amis, l'empereur les gratifiait de très-chers (carissime)'°; il les prenait d'ordinaire pour compagnons de ses voyages ou de ses expéditions militaires, comme ceux qui formaient jadis l'entourage des généraux ou des gouverneurs sous la république (cohors), et ce nom leur fut encore appliqué cohors Augusti favor. De là aussi le nom de compagnons, comites, origine des comtes du Bas-Empire, et maintenant synonyme d'amici Augusti". Cependant on donnait parfois ce titre à un compagnon accidentel du princef3. Quoi qu'il en soit, les amis, au sens étroit du mot, se divisaient en deux classes, et dans un sens plus large, en trois classes14. Le rang de ces amici dépendait moins de l'ordre auquel ils appartenaient que de la situation que leur conférait l'empereur. Cependant les deux premières classes se composaient en général de personnages qui, par leur naissance, leur fortune ou leurs fonctions, occupaient une haute position sociale. Ceux de la première catégorie se nommaient primi amici ou cohors primae admissionis [ArMtsSio], ou intirni amici, gratissimi amicorum, principes in Caesaris amicitia16. Le plus souvent ils appartenaient à l'ordre sénatorial, comme les consuls et les consulaires, consulares1'; cependant il n'est pas rare de voir des chevaliers admis dans la première classe des amis de l'empereur, à raison de leur mérite ou de leur office 78, ou même de jeunes favoris au début de leur carrière , comme Lucain près de Néron et aussi Othon 13 ; enfin des parents ou alliés du prince, comme Hadrien à la cour de Trajan, enfin îles condisciples de l'empereur 20. Les amis surtout primae admissionis étaient en générai appelés au conseil du prince 21 (consilium principes), mais pas nécessairement; en sens inverse, les membres de ce conseil, principalement depuis Hadrien, n'appartenaient pas tous à la classe des amici". On comptait principalement les chevaliers dans la seconde catégorie. La troisième classe comprenait tous ceux dont le prince voulait faire sa société habituelle, indépendamment de leur position sociale, à cause de leurs talents, de leur politesse ou des agréments de leur commerce. C'étaient en général des philosophes, des savants, des comédiens, des artistes, etc., parfois des étrangers et surtout des Grecs d'origine. On les nommait grati, ou convictores ou commensaux habituels de l'empereur, quoique ayant à la cour un rang subordonné; à peine pouvait-on les appeler des amici (stricto sensu) 23. Cependant le philosophe Areus d'Alexandrie à la cour d'Auguste, et ses deux fils, etc. n, jouirent d'une considération exceptionnelle; ces lTVIx la Ttti habitaient le palais, ou étaient admis au contuberniurn. Au contraire, les amis de la première ou de la seconde classe se présentaient le matin au lever de l'empereur ; ils étaient conviés plus ou moins régulièrement à sa table, et une certaine catégorie de domestiques du palais était attachée à leur service, sous le nom de a cura amicorumDu reste, les habitudes des empereurs varièrent beaucoup relativement au choix de leurs convives et à leurs procédés à l'égard des amici 2°. On trouve la même variété en ce qui concerne les voyages et les expéditions. Le privilége de suivre l'empereur était en général en même temps un devoir 27 ; les amis habitaient avec le prince ou il pourvoyait à leur logement; ils avaient dans le camp une place réservée près du quartier impérial". Le prince leur fournissait une indemnité de voyage, viaticum amicorum, ou du moins la subsistance 2°; mais par fois ils étaient amenés par le comitatus à des dépenses ruineuses 30, et réciproquement leur logement ou lem' transport devenait une charge très-onéreuse pour les cités qu'ils traversaient 31. M. Friedlànder a recueilli des faits nombreux qui attestent la courtoisie ordinaire des empereurs envers leurs amis 32, et la haute influence que ceux-ci pouvaient exercer sur la marche des affaires et le choix des généraux, etc. n. On comprend aussi que les courtisans de la première classe vivaient dans la contrainte et l'in AMI quiétude, craignant de perdre la faveur du prince', objets d'une méfiance et même d'un espionnage dangereux u; ils passaient parfois du premier rang des amis à la disgràce et finissaient par le suicide ou dans les supplices 36. Leur renvoi de la cour leur enlevait, non seulement la familiarité du prince, mais l'accès du palais 37. Une pareille décision équivalait presque à un ordre d'exil '8. Chacun s'éloignait du disgracié, bientôt les délations se multipliaient contre lui, il était accusé devant le sénat, condamné à l'exil et pour y échapper se donnait la mort 3B. Quelquefois un exilé revenait à la cour et s'exposait encore aux mêmes dangers40. La mort de l'empereur n'entraînait pas d'ordinaire l'exclusion de ses amis; leur maintien était considéré comme un devoir de piété, mais qui fut souvent méconnu 41 ; dans les révolutions violentes, les amis n'étaient pas épargnés , sauf d'honorables exceptions'', D'après un usage emprunté à la cour de Perse 43, de jeunes nobles étaient élevés à la cour (puera eminentes Caesaris) "9 avec les princes de la famille impériale ou les enfants de rois étrangers, et y contractaient avec le futur souverain les liens d'une amitié durable 45. Nous renvoyons à M. Friedlander A6, qui en a rassemblé de nombreux exemples. G. HUMBERT.